Principe 11 – Utiliser les bordures et valoriser la marge

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« Emprunter les sentiers battus ne signifie pas être sur le bon chemin »

Le monde entier est composé de bordures et d’interfaces: les berges sont une bordure entre la rivière et la forêt, la côte est une bordure entre la terre et la mer profonde, le sol est une bordure – l’interface entre la terre et l’atmosphère. Certaines bordures ne font que quelques centimètres (le sol minéral) pendant que d’autres peuvent s’étendre sur plusieurs dizaines, voire centaines de mètres (les eaux côtières). Selon l’échelle que l’on décide d’utiliser, on peut considérer un espace comme une bordure ou comme un écosystème à part entière.

Avantages d’une bordure

La permaculture considère que c’est en bordure de toute chose que les événements les plus interessants arrivent: il faut donc voir en bordures les avantages et non les inconvénients. Prenons l’exemple des écosystèmes côtiers: c’est un endroit où opèrent les échanges entre la terre et la mer. Les organismes dans les eaux peu profondes ont une chance de profiter des substances nutritives venues de la terre, et inversement: les organismes vivants sur terre peuvent bénéficier des bienfaits apportés par l’eau de la mer. C’est pour cette raison qu’on peut remarquer près des côtes une extraordinaire diversité biologique et d’innombrables organismes vivants, une abondance d’oiseaux, de poissons, de fruits de mer ou d’algues.

Les bordures font profiter aux organismes présents des avantages de deux milieux frontaliers: ce sont des zones dynamiques et très productives avec un échange important de matières et d’énergie. C’est également un endroit où les relations coopératives s’installent entre espèces. De ce fait, l’extension d’une bordure peut se révéler être un moyen très efficace pour améliorer la productivité d’un système.

« En biogéographie, un écotone est la zone de transition entre deux biorégions. Dans ces zones, la biodiversité est très riche car les espèces des deux régions s’y côtoient.  »*

On observe le même phénomène en géographie: la plupart de villes ont été construites dans des zones frontières entre deux ou plusieurs systèmes: au bord d’une fleuve, autour d’un port, dans une baie ou au pied d’une montagne: ce sont les espaces particulièrement riches en ressources naturelles.

Depuis quelques années, l’agriculture intensive privilégiant les monocultures a réduit le nombre de bordures afin de simplifier la gestion et le travail (la récolte) dans le but d’augmenter la productivité. Malheureusement cette simplification du paysage a tendance à nuire à l’habitat des espèces sauvages et à diminuer drastiquement la biodiversité.

Les bordures dans nos jardins

Les bordures sont des zones dynamiques et productives, que ce soit dans les paysages naturels ou dans les espaces cultivées. Dans nos jardins, on trouve aussi de nombreuses bordures: une haie végétale,  des canaux de drainage ou tout simplement une bordure de notre potager ou d’une serre.  Autant d’avantages potentielles pour nos cultures.

Afin d’accroître la surface d’une bordure dans notre potager, on peut confectionner le potager en forme de trou de serrure (une bordure y est supérieure à une forme classique ronde). Si vous envisagez de créer un petit étang, il vaut mieux qu’il soit doté de péninsules, des bordures sinueuses ou d’îlots afin d’augmenter l’interface entre l’eau et la terre. Installez les arbustes le long de vos plantations: ils les protégeront contre le vent ou le feu et augmenteront les échanges entre différents organismes y présents. De plus, ils peuvent être une source d’aliments pour la consommation humaine, de fourrage ou de nourriture pour les insectes auxiliaires. Adaptez vos bordures au relief et à la nature de votre sol pour optimiser leur surface et leur productivité. Profitez de bordures tels que les murs de la maison qui, grâce à leur temperature plus élevée, peuvent constituer un microclimat propice aux certaines espèces de plantes qui aiment la chaleur.

Comprendre les avantages des bordures nous permet d’effacer la connotation négative liée au mot « marginal » et d’apprécier la valeur des éléments qui ne contribuent au fonctionnement d’un système que de manière périphérique. Les bordures et les interfaces, parfois oubliées ou invisibles , devraient être reconnues à leur juste valeur, et utilisées si possible pour accroitre la productivité et la stabilité d’un système. Le proverbe « Emprunter les sentiers battus ne signifie pas être sur le bon chemin » nous prouve que parfois les solutions les plus simples et les plus efficaces ne sont pas celles qui sont les plus courantes ou le plus appréciées: pour les trouver, il vaut mieux observer la nature elle-même plutôt que ce que font les autres.

*David Holmgren, « Permaculture, Principes d’action pour un mode de vie soutenable »